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Décision n° 2007-552 DC du 1er mars 2007


NOR : CSCX0710106S



Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, le 23 février 2007, par M. Jean-Pierre Bel, Mmes Jacqueline Alquier, Michèle André, MM. Bernard Angels, David Assouline, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Yannick Bodin, Didier Boulaud, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Yolande Boyer, Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Caffet, Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Michel Charasse, Pierre-Yves Collombat, Yves Dauge, Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Bernard Dussaut, Bernard Frimat, Charles Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. Charles Josselin, Mme Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, Serge Lagauche, Louis Le Pensec, Mme Raymonde Le Texier, MM. André Lejeune, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Jean-Luc Mélenchon, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mme Gisèle Printz, MM. Paul Raoult, Thierry Repentin, Roland Ries, André Rouvière, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Sergent, Jacques Siffre, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Robert Tropeano, André Vantomme, Richard Yung, Mmes Nicole Borvo, Marie-France Beaufils, MM. Robert Bret, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Evelyne Didier, M. Gérard Le Cam, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar, sénateurs ;

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 27 février 2007 ;

Le rapporteur ayant été entendu,

1. Considérant que les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi portant réforme de la protection juridique des majeurs ; qu'ils contestent la conformité à la Constitution de ses articles 39, 40, 41 et 42 ;

2. Considérant que les quatre articles précités résultent d'amendements présentés au Sénat en première lecture par le Gouvernement ; que l'article 39, qui modifie le code de la propriété intellectuelle et le code de commerce, concerne le rôle de l'Institut national de la propriété industrielle et la gestion du registre national informatisé du commerce et des sociétés ; que l'article 40 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relatives au recours à l'arbitrage par les personnes morales de droit public ; que l'article 41 abroge les dispositions prévues pour certaines sociétés titulaires d'un office de commissaire-priseur par l'article 56 de la loi no 2000-642 du 10 juillet 2000 portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ; que l'article 42 complète le code de la construction et de l'habitation par des dispositions nouvelles relatives à l'accès des huissiers de justice aux parties communes des immeubles d'habitation ;

3. Considérant que, selon les requérants, les amendements dont ces articles sont issus étaient dénués de tout lien avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi initial ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi est l'expression de la volonté générale... » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 34 de la Constitution : « La loi est votée par le Parlement » ; qu'aux termes du premier alinéa de son article 39 : « L'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement » ; que le droit d'amendement que la Constitution confère aux parlementaires et au Gouvernement est mis en oeuvre dans les conditions et sous les réserves prévues par ses articles 40, 41, 44, 45, 47 et 47-1 ;

5. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le droit d'amendement qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement doit pouvoir s'exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées ; qu'il ne saurait être limité, à ce stade de la procédure et dans le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, que par les règles de recevabilité ainsi que par la nécessité, pour un amendement, de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie ;

6. Considérant, en l'espèce, que le projet de loi dont les dispositions critiquées sont issues comportait, lors de son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, première assemblée saisie, vingt-six articles modifiant le code civil et le code de l'action sociale et des familles ; qu'il avait pour seul objet de réformer le cadre juridique, financier et institutionnel dans lequel s'exercent les règles relatives à la protection juridique des majeurs ;

7. Considérant que les articles 39, 40, 41 et 42 de la loi déférée sont dépourvus de tout lien avec les dispositions qui figuraient dans ce projet de loi ; qu'ils ont donc été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ;

8. Considérant que, pour le même motif, il convient de déclarer contraires à la Constitution les articles suivants, résultant d'amendements du Gouvernement présentés en première lecture à l'Assemblée nationale : l'article 34, concernant l'inscription des mentions relatives à la nationalité sur les extraits d'acte de naissance ; l'article 35, tirant les conséquences de la substitution du « code de procédure civile » aux codes actuellement en vigueur ; l'article 38, ratifiant l'ordonnance no 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation ;

9. Considérant que, par voie de conséquence, il y a lieu de déclarer contraires à la Constitution, au I de l'article 45, les mots : « à 38 et 40 », ainsi que les mots : « et de l'article 39 qui entre en vigueur le 1er juillet 2008, » ;

10. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,

Décide :


Article 1


Sont déclarées contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi portant réforme de la protection juridique des majeurs :

- les articles 34, 35, 38, 39, 40, 41 et 42 ;

- au I de l'article 45, les mots : « à 38 et 40 » et les mots : « et de l'article 39 qui entre en vigueur le 1er juillet 2008, ».

Article 2


La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 1er mars 2007, où siégeaient : M. Pierre Mazeaud, président, MM. Jean-Claude Colliard et Olivier Dutheillet de Lamothe, Mme Jacqueline de Guillenchmidt, MM. Pierre Joxe et Jean-Louis Pezant, Mme Dominique Schnapper, M. Pierre Steinmetz et Mme Simone Veil.


Le président,

Pierre Mazeaud